Textes
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"Dans une période où le progrès technologique renforce nos aspirations de contrôle absolu, l’art de Delphine Chevrot est radical : elle laisse advenir.
Pareille au scientifique, elle combine des éléments choisis avec soin et les confronte à l’imprévisibilité du changement. Contrairement au scientifique, son environnement d’expérimentation est ni contrôlé ni délimité ; sa boîte de Petri, c’est le monde entier.
À quel moment une oeuvre d’art est-elle achevée ? Cette question est éminente dans toutes les pièces de Chevrot.
La sculpture Sans titre (vous ne l’emporterez pas avec vous) est une cage thoracique en cuivre et plomb qui se congèle et se décongèle ad infinitum. Le squelette, paradigme de la mort, est ici employé dans une exploration du vivant symbolisé par les variations de la texture du givre selon l’humidité et la température du lieu d’exposition.
Dans sa sculpture collaborative Exploration I, Delphine Chevrot (avec D. Burrows et C. Charbonnel) va plus loin et met en question l’archétype de la stabilité même : la colonne. Sa colonne est faite d’eau dans ses différents états physiques – vapeur, givre, glace claire –, une forme en mutation permanente.
Les temps du dehors, une vidéo sur l’Observatoire du Mont Aigoual dans les Cévennes, traite l’immuabilité dans la transformation constante. Exposée au climat austère ainsi qu’aux menaces de fermeture du site par Météo-France, l’équipe de météorologues tente de braver les orages naturels ainsi que les changements sociaux et technologiques. Les temps du dehors se révèle une réflexion profonde sur la rigidité et les tentatives d’arrêt prolongé.
À la belle étoile manifeste le regard délicat de Chevrot pour la beauté dans l’ordinaire ainsi que ses pouvoirs d’association créative. Intriguée par le vandalisme sur les vitres des transports publics, elle crée une annonce de luxe pour À la belle étoile – lieu imaginaire sérigraphié à l’acide sur une fenêtre de train qui va continuer à évoluer à mesure que l’acide ronge le verre.
L’oeuvre de Chevrot laisse des traces sur le spectateur. Profonde, diachronique et d’une beauté ténébreuse, elle nous maintient engagé. À quel moment une oeuvre d’art est-elle achevée ? Dans le cas de Chevrot, elle progresse dans notre pensée et dans le monde. Encore et encore, on voudra y retourner et constater les aspects toujours partagés par l’original et son image."
Par Markus Kneer et Jack Woods pour Slicker 01 - Juin 2011 - Page 18
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"In times in which modern technology has given man’s struggle for control a whole new dimension, Delphine Chevrot’s art is radical: she lets happen. Not unlike the scientist, she assembles a number of carefully chosen elements and sets them up for unpredictable change. Unlike the scientist, however, her petri dish is the world.
When is an artwork complete? This question is prominent in each of Chevrot's works. Sans titre (vous ne l’emporterez pas avec vous) is a ribcage sculpted from copper and lead which freezes and unfreezes ad infinitum. The texture of the frost varies with the air pressure and temperature of its place of exhibition - much as we adapt to different people and as our emotions depend on the context of their occurrence.
In her collaborative Exploration I Chevrot (with D.Burrows & C.Charbonnel) goes further and challenges the very archetype of stability: the pillar. Her pillar is made from water in its various aggregate states. It's appearance: water vapor, clear ice, and opaque frost. It's form: continually alternating.
Chevrot’s collaborative video piece (with G. Robillard) Les Temps de Dehors is a meditation on constancy in constant change. The Observatory of Aigoual is a fortress in the south of France, currently used for meteorological investigation. Subject to the most violent weather conditions but also Météo France’s threat of closing the place down, the meteorologists attempt to defend their fortress against the storms of nature as well as social and technological change. Les temps de dehors is an intense exploration of rigidity and the efforts to stand still.
A la Belle Étoile is an aesthetic highlight in Chevrot’s oeuvre, which manifests her spectacular eye for the beauty in the ordinary as well as her power of creative association. Intrigued by train window vandalism, Chevrot created a luxury ad for A la Belle Étoile, which was then silkscreened with acid onto the train window. Not only coming a long way, the work will continue to evolve as the acid gradually bites its way deeper into the glass.
Chevrot’s work leaves a trace on the viewer. Profound, darkly beautiful, diachronic and of great urgency, it keeps us engaged, and over time evolves in our minds, just as it does in the world. When is an artwork complete? Every so often we’ll want to come back to it and see what our image and the actual art piece still have in common."
By Markus Kneer & John Woods for Slicker 01 - June 2011
"Au Mont Aigoual, la météo est l’activité première. Depuis 1989 des météorologistes enregistrent le ciel, la neige et les nuages dans leurs variations. Communauté silencieuse vouée aux nuages, formeaux infinies variations et insaisissable." (N. Feodoroff)
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"On Mount Aigoual, weather forecasting is the key activity. Since 1989, meteorologists have been recording variations in the sky, the snow and the -clouds. A silent community devoted to the clouds –forms with elusive, infinite variations." (N. Feodoroff)
Exposition Faces & Walls pour le FID Marseille 2011
organisées par J.-P. Rehm et N. Feodoroff
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"Delphine Chevrot mène une activité artistique comme une scientifique gère son laboratoire de recherche. Avec Sans titre (vous ne l’emporterez pas avec vous) elle expérimente le vivant, la sculpture frigorifique évolue en fonction de l’entropie du lieu et du public. Le cycle de congélation, recouvre cette cage thoracique de givre, dont la texture et l’intensité sont en perpétuelles changement , puis cesse pour atteindre un état de fonte. Jamais confrontée à la même œuvre, le spectateur jouit d’une expérience à chaque fois nouvelle, avec une réflexion et un regard toujours actifs."
Par Salomon Romain pour l'exposition Jeune Création 2010
"Toute la scénographie de l’exposition Une architecture des humeurs est blanche, les diverses pièces sont séparées par de longues feuilles laiteuses en plastiques, où seuls les spectateurs font tache. A l’entrée, une vidéo d’une personne coincée dans un ascenseur qui se parle face à un miroir : « I am late… », nous invite dans un monde parallèle. Cette référence au lapin de l’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll – dont François Roche aime rappeler qu’il était avant tout un grand mathématicien, déjouant sans cesse notre prétendue logique – situe l’exposition de l’autre côté du miroir dans un processus physiologique et biochimique."
Par Jeanette Zwingenberger pour l'exposition Une architecture des humeurs - Mouvement n°54- Cahier Spécial - Page 4 - Février 2010
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"All the décor of the exhibition is in white. Long sheets of milky plastic separate the different spaces and only the spectators stand out against this background. At the entrance a video showing a person stuck in an elevator facing a mirror and repeating “I am late…” invites us into this parallel world. This reference to the rabbit from Lewis Carroll’s “Alice in Wonderland” (Carroll, as François Roche loves to remind us, was above all a great mathematician, who enjoyed turning our so called logic on its head.) situates this exhibition on the other side of the mirror within a physiological and biochemical process."
By Jeanette Zwingenberger for the exhibition An Architecture "des humeurs" - Mouvement n°54 - Special issue - Page 4 - Febuary 2010